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Tandis que tous les immigrés sont arrivés aux Etats-Unis de leur plein gré et munis d’une histoire et d’un passé que personne ne remettait en question, l’histoire du Noir, descendant d’esclaves africains – arrivés de force dans le Nouveau Monde – fut inscrite dans un tout autre registre. Ces derniers se sont vu dénier, du fait de l’esclavage et du racisme, toute participation à l’histoire de l’humanité, dans laquelle ils n’entrent d’ailleurs que de manière passive, par l’entremise de la « découverte » et du regard du Blanc sur l’Afrique. Ainsi, l’esclave est désigné par des termes élaborés par d’autres. Ce processus a donné naissance à une véritable « naturalisation » du Noir. Ce dernier s’apparentait à un objet qui, durant la période de l’esclavage, était défini comme un meuble, une chose dont le propriétaire pouvait disposer à sa guise. Cette situation d’oppression a engendré la lutte du Noir pour trouver sa place dans la société américaine et, au cours de ce processus, l’esclave africain est devenu l’Africain américain. Cette évolution est le résultat d’une lutte acharnée des Américains d’ascendance africaine pour être acceptés comme des Américains à part entière. Cette résistance a pris des formes diverses et, à bien des égard, perdure aujourd’hui. Pendant longtemps, les Noirs des Etats-Unis ont été identifiés à l’Afrique, elle-même généralement perçue de manière négative dans la culture américaine (terre de sauvages, peuples arriérés). Aussi, l’attitude des Africains américains vis-à-vis de l’Afrique semble ne pas aller de soi et, certainement, pour beaucoup, révèle une part d’ambiguïté, entre acceptation et rejet. L’Afrique1 semble être incontournable dès lors qu’est évoquée la question ethnique des Noirs et leur passé pré-américain. Cette partie du monde est représentée comme la terre des ancêtres. Aussi, plutôt que de me demander en quoi le Noir est Américain, j’ai analysé comment, dans son processus d’ethnicisation, ce dernier intègre l’Afrique dans la construction de son identité, longtemps définie à travers le regard du groupe dominant. Cette recherche justifia un travail de terrain effectué entre 1998 et 2001, à Washington, DC, et ses environs, la Virginie et le Maryland, ainsi qu’à Harlem (New York). Ces choix furent doublement justifiés : d’une part, Washington, DC, présente la particularité d’avoir une forte population noire américaine et, d’autre part, cette ville, et surtout ses environs - de même que Harlem - connaissent une immigration africaine relativement importante, ce qui m’a offert un « champ d’investigation » plus élargi.
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